Prenez-vous souvent conscience que vous êtes en train de respirer ? Allez-vous même jusqu’à accompagner votre respiration par moments ? Nous oublions si souvent notre souffle et, pourtant, elle est le tremplin de notre vitalité et de notre niveau d’ énergie.
Lors de nos débuts en Yoga, c’est généralement l’accent mis sur la respiration qui rend la pratique physique si différente des autres formes d’exercices. On découvre ensuite que c’est le meilleur moyen de faire l’expérience des dimensions plus subtiles du Yoga qui mène vers la maîtrise de l’esprit et de l’énergie vitale.
La pratique du Pranayama, qui permet la maîtrise du souffle, est l’une des huit dimensions de l’expérience du Yoga. Si ces dimensions sont un chemin vers la réalisation pour les Yogis, elles peuvent aussi mener vers une plus grande harmonie pour tous. Le chemin du chemin, c’est le chemin vers l’harmonie.
Un des premiers buts du Yoga et du Pranayama est de retourner vers une respiration harmonieuse équilibrée, sans secousses, sans à-coups, sans pression.
Ce n’est pas chose aisée, car maîtriser la respiration, c’est comme dompter un lion. Avez-vous déjà tenté la chose ? Beaucoup de patience et de délicatesse sont de mise, sinon le souffle se rebiffe avec la même force que l’animal sauvage. Il faut y aller progressivement, nul besoin de se fâcher contre un souffle qui ne vous obéit pas !
Pranayama veut dire contrôle ou maîtrise (Yama) de l’énergie (Prana). La tradition yogique affirme depuis des millénaires qu’une énergie vitale en mouvement, le Prana, sous-tend le fonctionnement de tous les systèmes du corps. Sans Prana, il n’y a donc pas de vie. Ainsi, à notre mort, après que tous les organes aient cessé leurs activités, le Prana se retire enfin, lors de notre dernier souffle !
Cette énergie vitale circule par 72 000 canaux, appelés Nadis, comme l’ont recensés des Yogis très avancés, il y a des millénaires. Ces ramifications de canaux s’apparentent aux circuits des veines (avec des artères principales et secondaires), mais ils restent subtils. Invisibles, ils se confirment par l’expérience, par le ressenti. Ce sont les méridiens avec lesquels travaillent les ostéopathes. En médecine chinoise, le Prana est nommé le Chi. Du côté de la science occidentale, le Prana peine à trouver sa place et reste pour beaucoup fantomatique, inodore, incolore, insaisissable.
Les Upanisads, premiers écrits sur la tradition du Yoga, affirment qu’en plus du corps physique, qui est fait de matière, il y en a un autre, un soi intérieur constitué d’énergie vitale de laquelle le corps physique est rempli. Tout comme le corps de chair, ce soi « pranique » a la forme d’une personne, on l’appelle Pranamaya Kosha.
Imaginez un instant ceci. Il y a votre corps de chair, et dans ce corps de matière, il y a votre corps d’énergie. C’est l’énergie qui vous donne chaud lorsqu’elle s’active et qui vous donne froid aux extrémités lorsqu’elle n’est pas assez mise en mouvement. C’est aussi l’énergie dont vous débordiez souvent (certainement encore) lorsque votre maman vous disait, « va dépenser ton énergie dehors ! ».
Si nous sommes nés avec une certaine quantité de ce souffle de vie, il fluctue entre autres en fonction de notre environnement et de notre mode de vie : de l’air que l’on respire, de la nourriture que l’on mange, etc.
Simplement pour ajouter un peu à ce changement de perspective, dans la tradition du Yoga, on distingue le Prana individuel du Prana universel. Si le Prana sous-tend les activités de notre corps, il supporte également le fonctionnement de toute la vie terrestre, voire cosmique !
Le souffle est considéré dans le Yoga comme la manifestation externe du Prana, sa dimension visible. Si ce n’est pas tout de suite évident, le travail du souffle nous permet de faire l’expérience du Prana. C’est ce qui est merveilleux ! C’est ce que l’on appelle Prana Vidya. Ce travail est un pont vers une forme d’expérience intérieure, par laquelle nous découvrons les mouvements de notre énergie vitale.
Par le Pranayama (les techniques de respiration), on travaille à éveiller, à développer et à accumuler cette énergie vitale en soi-même, sa qualité peut-être raffinée et dirigée. Si la vie quotidienne nous amène facilement à nous disperser, à disperser notre énergie et notre attention, les techniques de respiration favorisent la condensation du Prana près de soi. Cette accumulation d’énergie vitale permet de rayonner force, santé et vitalité. Si les techniques sont utilisées correctement, l’impact est perceptible sur le plan du mental comme sur le plan physique, cela permet de résorber certaines maladies, d’accroître nos capacités, notre efficacité et notre volonté.
Grâce au Pranayama, nombreux sont ceux qui découvrent de nouvelles sensations et de plus fines perceptions. Certains vont être étonnés de ressentir leurs pieds avec autant d’acuité, d’autres vont découvrir avec joies les subtilités du plancher pelvien, par exemple. Lorsque le Prana circule difficilement nos sensations sont limitées et, pour le commun des mortels, c’est le cas.
Un autre résultat de la conscience du Prana est la maîtrise du mental. En développant votre sensibilité à votre énergie vitale, vous devenez plus attentif aux élans de l’esprit qui apparaissent sous forme de pensées, de sensations, d’émotions, d’impressions, de symboles et de savoirs. Par la maîtrise du souffle, on développe inévitablement une grande concentration et une capacité à recevoir et à accueillir les mouvements du mental.
La première étape du Pranayama commence lorsque le souffle et l’attention se rencontrent. Grâce à votre attention vigilante, vous suivez et ressentez le mouvement du souffle dans votre corps physique.
Par exemple, la respiration abdominale est la plus connue et la plus simple des pranayamas : en inspirant, le ventre se gonfle et en expirant, le nombril s’enfonce avec douceur, favorisant la sortie de l’air.
La seconde étape implique le Prana. C’est un nouveau degré d’expérience, elle n’efface pas les sensations physiques, mais ajoute une nouvelle couche de perception, plus subtile, plus raffinée, moins évidente.
En réalisant la technique de respiration abdominale, qui est d’abord physique, vous pouvez commencer à suivre le mouvement du souffle dans votre corps.
En réalité, vos poumons ne se gonflent pas jusque dans votre bassin… non non ! Mais votre attention, si elle suit le mouvement de l’air au début, finit par suivre le mouvement du Prana qu’induit la respiration qui lui descend jusque dans le creux des hanches (jusqu’au bout des pieds éventuellement 😉 ). Ce mouvement du Prana est supporté, accompagné, renforcé et guidé par votre attention.
Au début, il peut être utile d’imaginer ce mouvement, s’il est difficile à ressentir. En explorant le Prana, vous apprenez à ouvrir vos perspectives sur votre corps, sur votre constitution. C’est la seconde étape du Pranayama, le passage de l’attention à ce qui est évident (mouvement de la matière) à ce qui est subtil (mouvement de l’énergie vitale).
Imaginez intégrer l’expérience de la respiration et du Prana, dans une posture de Yoga. Les degrés d’expérience se superposent, vous ressentez à la fois les mouvements du corps, du souffle et de l’énergie vitale. Vous apprenez à maîtriser autant les dimensions visibles que les aspects non visibles de la pratique du Yoga. Le Pranayama est le chemin le plus facile vers la méditation, royaume de l’invisible.