Je ne sais pas si vous êtes comme moi.
Je cherche souvent des preuves pour valider les expériences que je vis. Si je ressens un état de calme, mon esprit cherche un point de référence pour que je puisse me dire : ce que je vis est vraiment un calme. D’autres fois je cherche une confirmation en me disant si c’est un « vrai » calme, il va rester.
Parfois dans l’absence de certitude, je me dis que ce que je ressens ne doit pas être le bon calme, que mon calme n’est pas absolu, alors que ce calme n’est pas suffisant, que je pourrais faire mieux. Bref, je diminue la valeur de ce que je vis, je me coupe de ce que je ressens.
Enfin, je pensais toujours comme cela. Je n’avais plus vraiment confiance en ce que je ressentais.
Aujourd’hui, j’ai encore ce réflexe qui revient parfois, mais je l’ai à l’oeil !
J’ai réalisé que ressentir nos expériences et leur faire confiance est un atout inestimable dans la vie.
La bonne réponse, c’est toujours le prof qui l’avait, la compréhension de mon mal de dos, c’était le médecin et puis, si j’avais des questions existentielles, les philosophes se les étaient déjà posées et avaient certainement une réponse bien plus profonde que la mienne. Puis, il y a toujours la science pour savoir si la pratique de la méditation ou du yoga est bonne pour soi. Bref, c’est toujours les autres qui détenaient la vérité.
Bien que le soutien des autres et celui de leurs connaissances puissent être d’une grande aide à de nombreux moments, je crois que l’on a oublié comment reconnaitre la valeur de ce que l’on ressent, de ce que l’on vit.
Ma vie s’est transformée le jour où j’ai commencé à utiliser ma capacité à ressentir pour m’orienter et j’ai vu plusieurs personnes vivre cette transformation.
LE YOGA ET LA MÉDITATION COMME OUTILS POUR APPRENDRE À RESSENTIR
Dans le yoga, lorsque l’on commence, on cherche souvent à répéter la forme d’une posture et on copie à tort ou à raison la posture de l’enseignant. De la même manière, on peut copier la posture de quelqu’un qui médite.
Est-ce que l’on ressent nécessairement l’effet escompté ? Bah non.
On n’est pas plus zen parce qu’on a l’air zen.
Le yoga et la méditation sont des outils formidables pour réapprendre à ressentir. On apprend à ressentir par notre corps : nous devenons plus sensibles à nos tensions, plus attentifs aux zones de notre corps où nous ne ressentons rien. Nous découvrons alors nos limites (non ma jambe ne pourra pas aller plus loin sous peine de blessure) et nous lui découvrons de nouvelles possibilités (je peux imaginer que ma jambe se détend et devient plus souple).
De fil en aiguille, sans forcer, notre sensibilité, notre capacité à ressentir s’affine.
Depuis maintenant plusieurs années, ma capacité à ressentir s’est développée. Je ressens avec plus de finesse les différentes parties de mon corps, l’effet des mouvements sur ma musculature, sur ma circulation sanguine, je ressens avec plus de détail l’effet des pensées sur mon corps, l’effet du stress sur mon corps ou l’effet des émotions sur mon corps.
Dans notre corps, nous n’avons pas que des sensations physiques : notre corps est aussi imprégné de nos pensées, de nos désirs et de nos émotions. Je crois sincèrement (je ressens sincèrement, pour être plus précise) que tout ce que l’on vit se ressent dans le corps, s’y imprime ou le traverse. Dans notre corps, on peut lire notre histoire.
MAIS QUE FAIRE AVEC AUTANT DE SENSATIONS ?
Nous avons perdu peu à peu confiance dans les messages que notre corps nous envoie : on ne sait plus trop quoi faire avec ce que l’on ressent.
En plus, quand on commence à s’arrêter à ce que l’on ressent, on réalise rapidement qu’il y énormément d’informations et de stimulis qui nous viennent de l’extérieur et qui créent chez nous des réactions. Bien vite on comprend aussi qu’il y a une quantité d’information encore plus grande qui nous vient de l’intérieur : nos pensées, nos réactions à nos pensées et aux milliers de stimuli que nous recevons durant une journée et, enfin, nos réactions à ces réactions.
Si on a pas d’outils, on met généralement ces messages dans un tiroir et on l’oublie là – avec deux ou trois vieilles chaussettes. Autrement, on peut se retrouver envahi d’une tempête de sensations (colère, joie, tristesse, stress, confort, inconfort, etc.) et on espère très fort que le calme revienne.
Faut-il réellement faire quelque chose avec ce que l’on ressent ? Je ne le crois pas. Le vivre suffit, c’est déjà beaucoup.
Alors que l’on pourrait fuir toute sensation désagréable (émotion dite négative ou stress), ou vouloir s’accrocher à toute sensation-que-l’on-aimerait-garder-toute-notre-vie-tant-elle-est-divine (moments de paix, sensation d’être profondément amoureux, d’être tellement heureux), ressentir n’a besoin que de ressentir.
C’est à observer.
RESSENTIR : À QUOI ÇA SERT ?
À force d’enseigner le yoga et la méditation, je réalise que c’est réapprendre à ressentir qui devient la pierre angulaire pour tendre vers un bien-être.
Puis ressentir, c’est se donner la possibilité de se connaître.
On réalise très vitre que notre capacité à ressentir est sans fin. Nous pouvons éternellement l’affiner, l’approfondir. Chaque sensation est pleine de nuance.
À force de croiser des gens qui ont des douleurs, surmenés, remplis de stress… je réalise que la première chose que j’enseigne toujours est d’apprendre à ressentir. Ainsi on devient son propre repère, on devient alerte à ce qui nous fait du bien, ce qui contribue à notre bien être à long terme, et on a plus de discernement face à ce que l’on vit. Et on est plus à même de comprendre comment cultiver un équilibre intérieur, comment s’apaiser. On est moins victime de ce que la vie nous amène. On apprend à l’accueillir.
COMMENT ABORDER TOUT CE QUE L’ON RESSENT ? VOICI UN PETIT GUIDE PAS À PAS :
Personnellement, je reconnais qu’il est plus facile d’apprendre à ressentir ce qui se passe dans notre corps physique : les muscles, la respiration, les battements du cœur, etc. Avec le temps, on est amenés naturellement vers nos pensées,nos émotions, etc.
Première étape : observez ce que l’on ressent. C’est apprendre petit à petit à ne pas fuir ou à ne pas s’accrocher à ce que l’on ressent. C’est apprendre aussi à ne pas vouloir changer ce que l’on ressent, même si c’est inconfortable.
Deuxième étape : ressentir en respirant. Vous ne savez pas quoi faire lorsque vous ressentez ? Respirez et lorsque vous expirez détendez-vous en continuant de ressentir.
Ces deux étapes peuvent se pratiquer dans de nombreux contextes. Au début la lenteur peut être de mise afin d’apprivoiser ce que l’on ressent, car la rapidité amenant une dose de stress – bien qu’il puisse être bon – diminue notre capacité à ressentir pendant l’action.
Une pratique de yoga lente et simple peut être un excellent contexte d’apprentissage. Mais le yoga Nidra (une détente guidée), la respiration ou la méditation sont aussi de bons contextes pour explorer ce que vous ressentez. Choisissez le votre en fonction de vos affinités, en fonction de votre personnalité, en fonction de ce qui est le plus agréable pour vous.
13 Comments
Merci de mettre des mots justes sur cette pratique pour la retraite c est une belle prise de conscience profonde!
J’en suis ravie Rose. Merci à vous !
Merci, c’est tellement vrai, en classe avec mes élèves du primaire, je les fais pratiquer la pleine conscience et de transférer leur énergie ou leur souffle dans différents lieux du corps, je vois l’impact toute suite après. La classe devient plus calme, ils sont plus à l’écoute. Wow!
C’est tellement important d’utiliser ces techniques dans notre travail, dans notre vie de tous les jours ! C’est l’objectif, finalement ! Et puis, les enfants sont tellement sensible à ce genre de travail ! Merci beaucoup Karine !
Magnifique texte, je sens que nous serons nombreu(ses)x à ressentir de nouvelles sensations ou des sensations oubliées ou ignorées.Merci.
Merci beaucoup Patricia, sincèrement !
Merci Noémie pour ce beau texte. Très inspirant.
J’aimerais si possible avoir des suggestions de lectures sur le yoga, mais pas seulement les postures, sur la philosophie aussi.
Merci encore
Bonjour Marie ! Voici deux livres que j’ai lu et qui m’ont beaucoup appris sur la philosophie du yoga ! Trouver des livres sur ce sujet qui soient à la fois accessible et en écho avec la tradition n’est pas évident. Voici ma première suggestion, J’ai trouvé la vie,et voici ma deuxième suggestion Autobiographie D’Un Yogi . Puis je me dis qu’après quelques lectures, un peu de pratique et quelques échanges, la philosophie du yoga est surtout quelque chose de vivant, à apprivoiser et à ressentir ! Cette philosophie est un chemin ! 😉
Super votre texte. j’aime bcp la fin du cours de Yoga où notre prof nous amène à ressentir les différentes parties du corps, c’est très intéresant.
Cela nous oblige à une introspection.
merci Noémie.
Cette partie du cours s’appelle le Yoga Nidra, c’est en effet un moment idéal pour apprivoiser et approfondir notre capacité à ressentir ! Ainsi, le yoga est une discipline qui nous amène vers l’équilibre, l’équilibre entre l’intériorité et l’extériorité en fait partie ! Merci Thierry !
Merci Noémie , très beau texte qui résume parfaitement l’importance du ressenti. C’est la clef pour affûter tous nos sens et plus encore ! Le pont entre le visible et l’invisible . xxx
En effet, c’est le pont entre le visible et l’invisible ! Merci Régine ! 😉
Bonjour, je suis aussi convaincue que ressentir aide à mieux vivre. Mais comment faire quand on a passé sa vie à refuser de ressentir, à bloquer les ressentis, fuir son corps pour s’isoler dans sa tête parce que notre vie était traumatique? Comment faire pour accepter de nouveau de réintégrer ce corps et se convaincre que tout va bien ? Merci