Dans le premier article à ce sujet, j’ai généreusement souligné les paroles de B.S.K. Yiengar sur le Yoga : « on sculpte le corps pour sculpter le mental ». Car si j’ai écrit sur la non-violence sans parler du corps physique, je souhaitais tout de même me pencher sur une forme de « petite violence subtile » que je constate si souvent, c’est celle du mental. La non-violence dans le yoga, puis au quotidien, commence à ce moment-là dans notre tête.
Pour en revenir à la pratique du Yoga, on découvre tôt ou tard qu’une posture physique de Yoga bien réalisée, s’appuie sur une posture intérieure juste. La posture intérieure s’appuie sur les deux quêtes qui s’ajoutent à l’évidente quête extérieure qu’est la force du corps. C’est deux quêtes sont :
Les exercices de postures physiques sont donc une voie qui nous amène inévitablement à apaiser ce fameux « mental » pour permettre à la quête intime de prendre place. S’il y a trop de choses dans l’esprit, il n’y a pas de place pour le cœur. Généralement.
En l’écrivant ainsi, c’est comme une chanson, cela semble si facile ! Pourtant, vous le savez (je le sais très bien aussi), le défi d’atteindre un mental tranquille est intense, pour certains, et à certaines époques d’une vie, il peut même paraître insurmontable.
Le chemin de la tranquillité de l’esprit (mental) est empreint d’une certaine non-violence. La pratique des postures de yoga permet d’apprendre au « mental » à respecter les principes de la non-violence lorsque l’on fait des postures. Le yoga, c’est comme un laboratoire de la vie !
Notre « mental » a pour fonction naturelle d’évaluer les possibilités que nous offre la vie. Cette évaluation se transforme facilement en commentaires continus, en comparaison, en critiques et en jugements. Tout ce que nous disons, faisons et pensons y est soumis : les « il faut », les « je dois » se multiplient pour répondre à ce que notre mental considère être bien.
Combien de fois, on se compare aux autres (s’il y a des autres) ou à ce que l’on croit être l’idéal de la posture ? Les jambes longues, les abdominaux forts, les bras solides, les jambes fermes, le dos souple, les transitions fluides… le mental paisible ! Combien exigeons-nous de nous-mêmes. Combien de fois entre-t-on dans le dénigrement de nous même ou des autres ? À quel point jugeons-nous nos mouvements, nos pensées, ce que nous avons fait hier ou ce que nous ferons demain ?
Ce sont des habitudes mentales qui perpétuent en nous-mêmes de petites agressions répétées. Elles semblent inoffensives comme ça, mais ce sont des boucles, des discours mentaux qui à force d’être nourris finissent par prendre beaucoup de place ! Souvent, nous n’en sommes pas vraiment conscients et il n’est pas toujours évident de déjouer.
J’en parle ici par rapport à de simples postures de yoga, mais au cours de nos journées ces cycles mentaux se perpétuent. Ce sont toutes de petites violences.
Ne condamnons pas notre mental pour cela. Ce serait se faire violence.
Allons-y petit à petit. Commençons dans les postures de yoga, la non-violence se déploiera ailleurs dans votre vie naturellement, par écho.
Un grand Yogi new-yorkais, Dharma Mittra, disait que si vous comprenez la non-violence, vous comprenez la compassion. La compassion c’est le fait de souhaiter le dépassement de la souffrance et d’agir en ce sens. Toute forme de violence, les plus petites et même les plus subtiles cachent une forme de souffrance, un besoin qui n’est pas écouté.
La solution est de s’exercer à accueillir la réalité de ces habitudes mentales comme on s’exerce à accueillir toutes les réalités de notre corps dans le Yoga.
Si l’on a une douleur au dos par exemple (qui nous fait mal et nous agresse pendant une pratique), on ne la chassera pas avec un peu de frustration… ça ne changera rien, elle restera là. Cette douleur fait partie de l’expérience. Notre envie de nous en défaire aussi. Tout cela est à accueillir avec douceur.
Accueillir les réactions de notre mental, sans les condamner, est essentiel.
Comment accueille-t-on un ami? Avec un sourire et avec douceur, avec écoute et avec compassion. On agit ainsi, entre autres, pour le soulager de ses souffrances.
C’est avec cette même qualité de présence que l’on peut concevoir et accueillir toutes nos expériences avec non-violence. Épictète, philosophe grec disait que les choses ne sont jamais mauvaises, seule peut l’être la façon dont tu y penses !
De manière paradoxale, plus on accueille la tension, la sensation d’agression, la peur, plus on comprend leurs motivations sous-jacentes et plus on est en mesure de désamorcer ces expressions. Derrière tout cela, ce dont nous manquons généralement, tout un chacun, c’est d’amour et de compréhension.
Avec le sourire et les bras ouverts, ce qui est merveilleux, c’est que l’on peut s’exercer à écouter au lieu de condamner, à recevoir au lieu de rejeter, à reconnaître au lieu d’exiger.
Alors, on tombe dans un piège de l’esprit : on réalise un jour que la non-violence est la voie à suivre. Je ne vous apprends rien.
Néanmoins, j’observe souvent (en moi et en ceux avec qui je travaille) que notre mental récupère cet objectif de non-violence et en fait une obligation! Alors, il faut agir de manière non-violence, on ne doit pas se juger ni dépasser ses limites, on doit être à l’écoute de soi, etc.
Dans cette situation, nous ne sommes pas plus libres! C’est toujours le mental qui croit savoir, le corps n’est pas plus écouté. Devant cette forme de « violence », d’obligation à correspondre à un certain idéal, détendez-vous. Accueillez-vous dans votre rigidité mentale qui vous fait souffrir malgré votre bonne volonté.
En ce sens, cultiver la non-violence dans le Yoga, c’est écouter ce qui se passe dans le corps. C’est écouter les rythmes du corps, ses besoins, ses envies. Cela a lieu dans le présent. Le présent est toujours à réécouter.
Le mental n’en sait rien, il suppose souvent, il croit connaître. Mais, en réalité, il n’y a que le corps qui sait ce qui est bon pour lui, dans « le maintenant ». Il sait les mouvements (du corps comme les mouvements de l’esprit) qui lui font du bien ou ceux qui ne lui en font pas, maintenant!
J’ai pris beaucoup de temps avant de comprendre que l’essentiel d’une posture de yoga ou même le passage d’une posture à l’autre était d’être disponible à ce qui se passe au lieu de diriger ce qui se passe.
ET VOUS ? Qu’écoutez-vous vraiment quand vous faites une posture ? Êtes-vous disponible pour vos quêtes intérieures et intimes ?
6 Comments
Merci pour le temps porté à l’écriture de cet article en partage.
En clin d’oeil : « Attaquer une forteresse, c’est en renforcer ses défenses »…. Voilà pourquoi le Yoga postural n’est pas ma voie aujourd’hui. D’autres formes de ponts existent.
Bien à toi
Joli clin d’oeil Jen, c’est si juste. Tant de formes de pont existent, l’important c’est qu’elles s’élaborent à partir d’une forme d’amour (compassion, bienveillance, non-violence). Au plaisir
Bonjour Noémie!
Difficile pour moi de déterminer la frontière entre la violence et la non violence dans les postures.
Une certaine tension est quand même inévitable lors d’étirements et alors comment reconnaître lorsqu’on va trop loin?
La frontière est subtile….
Bonjour Isabelle !
Déterminer la frontière est à peu près impossible ! 😉 Elle est toujours changeante. C’est pourquoi il est si important de développer l’écoute du corps et d’apprendre son langage qui passe par ce que l’on ressent.
Autrement, il est est très bon de conserver à l’esprit que notre intention première est de prendre soin du corps, de l’esprit et du coeur dans la pratique d’un asanas. Que cherches-tu quand tu fais un asanas ? Chercher à pousser, à tirer, à se dépasser peut être un voie qui peut nous emmener bien loin de notre ressenti.
Le travail peut être profond, mais la fluidité du souffle, la présence au corps dans sa globalité, l’écoute des réaction du corps, le souhait profond de faire du bien au corps doivent être centraux. Le corps parle. Si on est trop absorbés par « tenir », « résister », « pousser », « continuer » on oublie l’expérience globale, on oublie ce corps qui souhaite nous informer, nous transmettre des message. Si tu oublis que tu respires, si tu ne respires plus librement, si tu n’arrives pas à sourire ou à te détendre (même un tout petit peu) dans l’exigence du mouvement, alors c’est que tu vas trop loin.
Quand on a apprivoisé le langage du corps, alors le dialogue se raffine avec notre corps, alors il devient notre guide : quand aller plus loin, quand arrêter, etc. J’espère que cela t’éclaire. Donne m’en de nouvelles. 🙂
Le langage du corps est tellement puissant et d’une telle évidence quand nous prenons le temps de s’arrêter pour l’écouter. Écoute, écoute avec ouverture et douceur, il nous en apprendras plus qu’on tu ne le crois sur soi
Merci Noémie xxx
🙂 xxox